Zanzibar. C’est l’île dont rêvent les poètes mais qu’ils n’atteignent jamais, comme si la poésie à Zanzibar n’avait besoin de personne pour être écrite et lue, parce qu’elle est déjà partout, clamée par les vagues et répétée par le vent, tombée des cocotiers et nimbée par un soleil d’équateur, qui ne laisse aux ombres que la plus petite part. Zanzibar. C’est cette liberté unique, incomparable, tonitruante, cet immense élan vital, ce désir, assourdissant, qui donne envie de vivre, de comprendre, de croire. De découvrir tout ce qui peut être découvert. D’aimer tout ce qui peut être découvert. De plonger dans l’immensité du monde. Zanzibar. Il n’y a qu’à vivre au rythme du soleil et des marées de l’océan indien. Marcher pieds nus dans le sable et dans l’aube sous les nuages flamboyants. Il n’y a qu’à lâcher prise. Plonger. S’abandonner aux profondeurs marines. Et l’instant qui précède le contact avec l’eau sera d’ivresse, de courage et d’incertitude. Zanzibar. Dans les ruelles de la ville de pierre, aux murs blancs noircis par les siècles et les moussons, les origines de chacun - swahilies, persanes, portugaises, britanniques, omanaises, indiennes - se lisent à la couleur des étoffes, aux motifs des portes d’entrée, aux épices dans les cuisines. Le souvenir des sultans d’Oman est dans l’architecture des palais délétères ; celui des esclaves, dans l’île qui fut leur prison au large du port. Citadelle sans gardiens d’une civilisation perdue, Zanzibar fait feu de son passé sombre, romanesque, et attend encore que le vent de l’avenir souffle la poussière de sa légende des siècles. Zanzibar. C’est la couleur des fruits et des épices du marché de Darajani. Les manguiers qui poussent dans des vieux pneus au bord des routes. Les écoliers en uniforme, chemise blanche pantalon bleu, le long des routes et dans les villages aux rues de sable. Sur les plages, les villas abandonnées devenues terrains de jeu pour les enfants. La voile blanche d’un boutre qui navigue au large de l’océan indien. Les feux de joie, le soir, à Jambiani, pour célébrer l’Aïd. Le goût perpétuel du sel sur les lèvres. La forêt primaire de Joziani et ses singes rouges aux yeux d’ambre. Les mangroves de la baie de Chwaka aux racines de boue noire. L’indolence des Polé Polé prononcés d’une voix chantante. Zanzibar. Lorsqu'on s'y endort le soir, dans la chambre traversée par l’air rafraîchi, les rêves sont bercés par la marée montante et les souvenirs d’un jour de lumière. « Loue la beauté du jour dans la nuit qui le suit, et ma nuit sera longue et sa beauté infinie ».